Skip to main content
Physiotherapy Canada logoLink to Physiotherapy Canada
editorial
. 2021 Spring;73(2):106–109. [Article in French] doi: 10.3138/ptc-2020-0124-gef

La définition révisée de la douleur de l’IASP et les notes complémentaires : les considérations pour la profession de la physiothérapie

Kyle Vader *,, Geoff P Bostick , Lisa C Carlesso §, Judith Hunter , Giulia Mesaroli ¶,**, Kadija Perreault ††,‡‡, Yannick Tousignant-Laflamme §§, Susan Tupper ¶¶,***, David M Walton †††, Timothy H Wideman ‡‡‡, Jordan Miller *
PMCID: PMC8370722  PMID: 34456419

Pour la première fois depuis qu’elle a diffusé sa définition initiale de la douleur en 1979,1 l’International Association for the Study of Pain (IASP) a publié une définition révisée de la douleur et des notes complémentaires en 20202 (voir l’encadré 1 pour parcourir la définition et les notes de 1979 et l’encadré 2 pour découvrir la révision et les notes de 2020). Cette révision arrive fort à propos étant donné les avancées récentes dans le domaine de la douleur, y compris l’introduction d’un nouveau descripteur mécanistique de la douleur (la douleur nociplastique) et des mises à jour à la 11e édition de la Classification internationale des mala­dies (CIM-11), qui précise que la douleur chronique peut être un problème de santé à part entière3,4(p. 19). Cette révision, dirigée par un groupe de travail de l’IASP, est exposée dans une récente publication2. Dans le présent éditorial, les auteurs se sont livrés à une réflexion critique sur la définition révisée de la douleur et les notes complémentaires formulées par l’IASP et soulèvent des considérations relatives à la pratique, à l’éducation, à la recherche et aux politiques en physiothérapie.

EncadrÉ 1. Définition de la douleur formulée par l’IASP (1979)1.

Douleur

Expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à une lésion tissulaire réelle, potentielle ou décrite en ces termes par le patient.

Note

La douleur est toujours subjective. Chacun apprend le sens de ce mot par ses expériences de blessures en début de vie. Les biologistes conviennent que les stimuli responsables de la douleur peuvent endommager les tissus. Par conséquent, la douleur désigne l’expérience associée à des lésions tissulaires réelles ou potentielles. C’est manifestement une sensation éprouvée dans une ou plusieurs parties du corps, mais qui est toujours désagréable et donc aussi émotionnelle. Les expériences évocatrices de la douleur (p. ex., les piqûres), mais qui ne sont pas désagréables, ne doivent pas être qualifiées de douleur. Les expériences désagréables anormales (dysesthésie) peuvent également être qualifiées de douleur, mais ne le sont pas nécessairement sur le plan subjectif, car elles n’ont pas les qualités sensorielles habituelles de la douleur.

Bien des gens indiquent ressentir de la douleur en l’absence de lésion tissulaire ou de cause physiopathologique probable, généralement pour des raisons psychologiques. Rien dans leur compte rendu subjectif ne permet de distinguer leur expérience de celle découlant de dommages tissulaires. S’ils considèrent leur expérience comme de la douleur et en parlent comme d’une douleur causée par des dommages tissulaires, il faut l’accepter comme de la douleur. Cette définition évite de lier la douleur au stimulus. L’activité induite par un stimulus nocif dans les voies nociceptrices et nociceptives n’est pas de la douleur, mais toujours un état psychologique, même si nous comprenons très bien que dans la plupart des cas, la douleur a une cause physique directe.

IASP = International Association for the Study of Pain

EncadrÉ 2. Définition révisée de la douleur formulée par l’IASP (2020)2.

Douleur

Expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à, ou ressemblant à celle associée à, une lésion tissulaire réelle ou potentielle.

Notes

  • La douleur est toujours une expérience personnelle qui est influencée à des degrés divers par des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux.

  • La douleur et la nociception sont des phénomènes différents. La douleur ne peut être déduite uniquement de l’activité des neurones sensoriels.

  • À travers leurs expériences de vie, les individus apprennent le concept de la douleur.

  • L’expression d’une personne sur une expérience de douleur doit être respecté*.

  • Bien que la douleur joue généralement un rôle adaptatif, elle peut avoir des effets négatifs sur le fonctionnement et le bien-être social et psychologique.

  • La description verbale n’est qu’un des nombreux comportements permettant d’exprimer la douleur; l’incapacité à communiquer n’exclut pas la possibilité qu’un être humain ou un animal non humain éprouve de la douleur.

Étymologie

Du latin dolorem (souffrance physique ou morale)

*

La Déclaration de Montréal, un document préparé lors du premier Sommet international sur la douleur, le 30 septembre 2010, établit que l’accès à la gestion de la douleur est un droit humain fondamental. IASP = International Association for the Study of Pain

Réflexions critiques

La révision dispose d’un atout remarquable : la partie de phrase qui précise qu’en l’absence de lésion tissulaire ou de cause physiopathologique, la douleur se produit pour des raisons psychologiques est supprimé1. Cet énoncé ne reflétait pas les données à jour et pouvait contribuer à la stigmatisation, que les personnes atteintes de douleur chronique évoquaient souvent5. De plus, la suppression de la partie de phrase ou décrite en ces termes par le patient contenue dans la définition de 1979 dissipe la crainte que l’énoncé insiste trop sur une autoévaluation verbale1,6. Cette suppression peut toutefois minimiser l’importance de l’expérience interne de la douleur, communiquée (verbalement ou non) par l’individu qui la ressent. Ainsi, on pourrait percevoir que la révision accorde trop d’importance à l’interprétation de l’expérience de la douleur qu’en fait un observateur. Enfin, la note À travers leurs expériences de vie, les individus apprennent le concept de la douleur risque d’avoir des conséquences involontaires si elle est mal interprétée par les dispensateurs de soins, qui pourraient reprocher aux individus leur conceptualisation de la douleur (c’est-à-dire d’avoir mal assimilé le concept et de catastrophi­ser)2,7. Cependant, ces appréhensions sont nuancées par les notes, selon lesquelles la douleur est une expérience personnelle qu’il faut respecter.

Considérations sur le plan de la pratique

Cette révision a de vastes conséquences pour l’exercice de la physiothérapie. Le fait que les notes soulignent les effets de la douleur sur le fonctionnement et le bien-être met en valeur le rôle de la gestion de la douleur non seulement sur la douleur même, mais également sur ses conséquences négatives. Cette observation fait ressortir le rôle des intervenants en réadaptation, comme les phy­siothérapeutes, en matière de gestion globale de la douleur, c’est-à-dire qui tient compte de l’individu dans son ensemble. De plus, la note Le rapport d’une personne sur une expérience de douleur doit être respecté souligne aux physiothérapeutes l’importance de valider l’expérience de douleur2,8. Les dispensateurs de soins qui ignorent la douleur contribuent à la stigmatisation des personnes atteintes de douleur chronique5; il est à espérer que ce respect explicite de la douleur représente un pas en avant. Enfin, la note La description verbale n’est qu’un des nombreux comportements permettant d’exprimer la douleur indique aux physiothérapeutes d’intégrer les expressions non verbales de la douleur (p. ex., comportements révélateurs de la douleur) à leurs stratégies d’évaluation2, spécialement pour les personnes qui ne sont pas en mesure de communiquer verbalement leurs expériences, comme c’est le cas des nourrissons9, des personnes qui ont une incapacité intellectuelle ou du développement10 et des aînés atteints de démence11.

Considérations sur le plan de l’éducation

Cette révision peut jeter les bases d’améliorations continues à la formation des physiothérapeutes débutants sur la douleur, et elle renforce l’importance des travaux entrepris pour faire progresser la formation sur la douleur au sein des programmes de physiothérapie du Canada12. Par exemple, les notes indiquent que l’expérience de la douleur est influencée par des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux2. Cet énoncé corrobore la transition en cours vers le modèle biopsychosocial de la douleur et s’éloigne de l’importance historique accordée à la vision biomédicale de la douleur dans le champ de la physiothérapie13. En reconnaissant les conséquences des facteurs psychologiques et sociaux de la douleur, on convient également de l’importance de doter les étudiants en physiothérapie d’habiletés pour dépister ces déterminants et de leur transmettre des connaissances pour adapter leurs stratégies de gestion en conséquence. Par le passé, on considérait que les approches de gestion de la douleur informées par la psychologie se situaient hors du champ d’exercice de la physiothérapie, mais leur valeur est de plus en plus reconnue14. C’est pourquoi il est important de transmettre ces habiletés aux étudiants en physiothérapie pour qu’ils puissent tenir pleinement compte de la complexité de la douleur.

Considérations sur le plan de la recherche

Cette révision fournit une définition opérationnelle de la douleur pour la recherche en physiothérapie. Par exemple, la note La douleur est toujours une expérience personnelle démontre l’importance de réaliser des recherches qualitatives et d’ajouter des comptes rendus narra­tifs de l’expérience subjective de douleur aux mesures quantitatives habituelles2,15,16, tous deux historiquement sous-évalués. Les notes, qui reconnaissent l’importance du fonctionnement et du bien-être, confirment que les recherches sur les interventions physiothérapiques pour des conditions de douleur doivent continuer de tenir compte du fonctionnement et des résultats associées plutôt que de considérer l’intensité de la douleur comme principal indicateur de l’efficacité du traitement. Enfin, la note qui précise que la douleur peut être influencée par des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux confirme la complexité de la douleur et l’importance de poursuivre les recherches pour mieux comprendre le production de la douleur et les mécanismes des interventions sous-jacents aux traitements fréquemment employés dans la pratique de la physiothérapie (p. ex., mécanismes d’analgésie induits par l’exercice)17.

Considérations sur le plan des politiques : un appel à l’action

Les notes révisées font référence à la Déclaration de Montréal, dont l’article 1 affirme le droit de tous à avoir accès à la gestion de la douleur sans discrimination18(p. 29). Cette déclaration est renforcée par des appels à améliorer la gestion de la douleur chronique au Canada (voir un récent rapport du Groupe de travail canadien sur la douleur)19. En fin de compte, cette révision peut se révéler une occasion en or d’agir à titre de physiothérapeutes et de défendre un accès rapide et équitable à une gestion efficace de la douleur. Ces mesures doivent cibler les autres dispensateurs de soins, les législateurs, les décideurs et les tiers payeurs. Les efforts de revendication revêtent une grande importance compte tenu des longues listes d’attente ainsi que des iniquités d’accès à la physiothérapie ambulatoire20 et aux établissements multidisciplinaires de gestion de la douleur au Canada21.

Sommaire

Les auteurs du présent article sont d’avis que la révision de la définition de la douleur et des notes complémentaires formulées par l’IASP est un jalon important dans le secteur de la douleur. Ils invitent les physiothérapeutes à adopter et utiliser les concepts de cette révision, notamment les notes, parce qu’ils contiennent de l’information essentielle pour comprendre la complexité de la douleur. Comme le suggère le groupe de travail de l’IASP2, cette révision se veut un document évolutif qui sera mis à jour au fur et à mesure de l’acquisition de nouvelles connaissances. Dans la foulée de ces constats, il est impor­tant pour les physiothérapeutes de chercher à acquérir et mettre en œuvre ces nouvelles connaissances afin de réduire le fardeau de la douleur une fois pour toutes.

Références

  • 1.Merskey H. Pain terms: a list with definitions and notes on usage. Recommandé par le sous-comité de l’IASP sur la taxonomie. Pain. 1979;6(3):249–52. Medline:460932 [PubMed] [Google Scholar]
  • 2.Raja SN, Carr DB, Cohen M et coll. The revised International Association for the Study of Pain definition of pain: concepts, challenges, and compromises. Pain. 2020;161(9):1976–82. 10.1097/j.pain.0000000000001939. Medline:32694387 [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 3.International Association for the Study of Pain . IASP Council adopts task force recommendation for third mechanistic descriptor of pain [Internet]. Washington (DC): L’Association; 2018. [consultée le 21 octobre 2020]. Disponible à : https://www.iasp-pain.org/PublicationsNews/NewsDetail.aspx?ItemNumber=6862. [Google Scholar]
  • 4.Treede RD, Rief W, Barke A et coll. Chronic pain as a symptom or a disease: the IASP classification of chronic pain for the International Classification of Diseases (ICD-11). Pain. 2019;160(1):19–27. 10.1097/j.pain.0000000000001384. Medline:30586067 [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 5.De Ruddere L, Craig KD. Understanding stigma and chronic pain: a-state-of-the-art review. Pain. 2016;157(8):1607–10. 10.1097/j.pain.0000000000000512. Medline:26859821 [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 6.Cunningham N. Primary requirements for an ethical definition of pain. Pain Forum. 1999;8(2):93–9. 10.1016/S1082-3174(99)70033-4. [DOI] [Google Scholar]
  • 7.Quartana PJ, Campbell CM, Edwards RR. Pain catastrophizing: a critical review. Expert Rev Neurother. 2009;9(5):745–58. 10.1586/ern.09.34. Medline:19402782 [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 8.Edmond SN, Keefe FJ. Validating pain communication: current state of the science. Pain. 2015;156(2):215–19. 10.1097/01.j.pain.0000460301.18207.c2. Medline:25599441 [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 9.Duhn LJ, Medves JM. A systematic integrative review of infant pain assessment tools. Adv Neonatal Care. 2004;4(3):126–40. 10.1016/j.adnc.2004.04.005. Medline:15273943 [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 10.Breau LM, Burkitt C.. Assessing pain in children with intellectual disabilities. Pain Res Manag. 2009;14(2):116–20. 10.1155/2009/642352. Medline:19532853 [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 11.Hadjistavropoulos T, Fitzgerald TD, Marchildon GP. Practice guidelines for assessing pain in older persons with dementia residing in long-term care facilities. Physiother Can. 2010;62(2):104–13. 10.3138/physio.62.2.104. Medline:21359040 [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 12.Wideman TH, Miller J, Bostick G et coll. Advancing pain education in Canadian physiotherapy programmes: results of a consensus-generating workshop. Physiother Can. 2018;70(1):24–33. 10.3138/ptc.2016-57. Medline:29434415 [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 13.Engel GL. The need for a new medical model: a challenge for biomedicine. Science. 1977;196(4286):129–36. 10.1126/science.847460. Medline:847460 [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 14.Keefe FJ, Main CJ, George SZ. Advancing psychologically informed practice for patients with persistent musculoskeletal pain: promise, pitfalls, and solutions. Physical Therapy. 2018;98(5):398–407. 10.1093/ptj/pzy024. Medline:29669084 [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 15.Tutelman PR, Webster F.. Qualitative research and pain: current controversies and future directions. Can J Pain. 2020;4(3):1–5. 10.1080/24740527.2020.1809201. [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 16.Wideman TH, Edwards RR, Walton DM et coll. The multimodal assessment model of pain: a novel framework for further integrating the subjective pain experience within research and practice. Clin J Pain. 2019;35(3):212. 10.1097/AJP.0000000000000670. Medline:30444733 [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 17.Sluka KA, Law LF, Bement MH.. Exercise-induced pain and analgesia? Underlying mechanisms and clinical translation. Pain. 2018;159(Suppl 1):S91. 10.1097/j.pain.0000000000001235. Medline:30113953 [DOI] [PMC free article] [PubMed] [Google Scholar]
  • 18.International Pain Summit of the International Association for the Study of Pain . Declaration of Montréal: declaration that access to pain management is a fundamental human right. J Pain Palliat Care Pharmacother. 2011;25(1):29–31. 10.3109/15360288.2010.547560. Medline:21426215 [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 19.Groupe de travail canadien sur la douleur . La douleur chronique au Canada : jeter les bases d’un programme d’action [Internet]. Ottawa: Santé Canada; 2019. [consultée le 21 octobre 2020]. Disponible à : https://www.canada.ca/fr/sante-canada/organisation/a-propos-sante-canada/mobilisation-publique/organismes-consultatifs-externes/groupe-travail-douleur-chronique/rapport-2019.html. [Google Scholar]
  • 20.Deslauriers S, Raymond MH, Laliberté M et coll. Access to publicly funded outpatient physiotherapy services in Quebec: waiting lists and management strategies. Disabil Rehabil. 2017;39(26):2648–56. 10.1080/09638288.2016.1238967. Medline:27758150 [DOI] [PubMed] [Google Scholar]
  • 21.Choinière M, Peng P, Gilron I et coll. Accessing care in multidisciplinary pain treatment facilities continues to be a challenge in Canada. Reg Anesth Pain Med. 2020;45(12):943–8. 10.1136/rapm-2020-101935. Medline:33024007 [DOI] [PubMed] [Google Scholar]

Articles from Physiotherapy Canada are provided here courtesy of University of Toronto Press and the Canadian Physiotherapy Association

RESOURCES